Succession au Cameroun
Le décès d’un être cher est toujours une épreuve douloureuse. Dans le contexte camerounais, il a été donné de constater que le degré de douleur est d’autant plus élevé que le disparu était nanti d’un certain nombre de biens dont l’exploitation lui permettait de pourvoir aux besoins des membres de la famille.
Passé la triste période des obsèques, va se poser le problème du sort des biens laissés par le De cujus. Deux hypothèses sont alors envisageables. Le défunt peut avoir de son vivant décidé de la dévolution de ses biens, notamment dans le cadre d’un testament.
Il peut aussi et c’est très souvent malheureusement le cas n’avoir rien prévu. On dit alors qu’il est décédé ab intestat. Dans ces deux cas de figure, la loi a prescrit les règles à observer pour hériter des biens laissés par une personne décédée.
I – LA DEVOLUTION SUCCESSORALE TESTAMENTAIRE
Le testament est légalement défini, comme un acte juridique unilatéral au travers duquel une personne exprime ses dernières volontés et décide de ce que deviendront ses biens après lui. Pour être valable, le testament doit satisfaire à certaines conditions de fond et de forme.
A – LES DIFFERENTES FORMES DU TESTAMENT
En droit camerounais, le législateur a laissé au testateur la possibilité de choisir parmi plusieurs formes de testaments.
1 – Le testament olographe : Il s’agit d’un acte rédigé, daté et signé de la main même du testateur. Pour être valable, le testament olographe doit obligatoirement revêtir la signature de son auteur.
2 – Le testament authentique : Le testament est dit authentique lorsqu’il est établi par devant notaire. Pour être valable, ce genre de testament doit être reçu soit par deux notaires, soit par un notaire en présence de deux témoins.
A l’évidence, le testament authentique revêt une certaine publicité. En ce sens qu’il n’est pas possible pour son auteur de garder le secret de ses décisions testamentaires.
Il est obligé de s’en remettre au sens de discrétion des autres signataires de l’acte matérialisant ses dernières volontés. Et dans le cas où le testateur tient à garder le secret de ses choix, il peut opter pour le testament mystique.
3 – Le testament mystique
C’est celui écrit, signé par le testateur lui-même, et remis clos et scellé à un notaire en présence de deux témoins. Le notaire qui reçoit ce genre de testament dresse en brevet un acte de suscription que doit signer le testateur, le notaire et les témoins.
Il s’ensuit que ni le notaire, ni les témoins ne peuvent savoir le contenu du testament mystique, lequel ne sera dévoilé qu’après le décès du De cujus.
B – LES CONDITIONS DE VALIDITE DU TESTAMENT
Lorsqu’on a la présence d’esprit de décider de la dévolution de ses biens par voie testamentaire, il faut penser à respecter la réserve héréditaire et l’égalité des ayants droit.
1 – Le principe de l’égalité des ayants-droit
Dans la rédaction du testament, le testateur doit veiller à respecter l’égalité entre les ayants-droit. S’il y a déséquilibre dans l’attribution des parts, l’héritier lésé sera fondé à saisir le juge afin de solliciter l’annulation du testament et la redistribution à part égale du patrimoine successoral.
2 – La réserve héréditaire
Chaque être humain a le droit de disposer de ses biens comme bon lui semble. Une personne peut donc choisir de léguer ses biens, en partie ou en totalité, non seulement aux membres de sa famille, mais aussi aux tiers.
Dans ce dernier cas, la loi lui impose néanmoins des proportions à respecter, qui sont tributaires du nombre de descendants ou d’ascendants susceptibles de lui succéder.
Ainsi, si le disposant laisse un enfant, il ne peut disposer de plus de la moitié de ses biens librement. S’il en laisse deux, la quotité disponible sera d’un tiers. Et dans le cas où il laisse trois enfants ou plus, la réserve héréditaire est constituée des trois quarts du patrimoine successoral. Le respect de ses quotités est obligatoire.
II – LES SUCCESSIONS AB INTESTAT (sans TESTAMENT)
Une succession ab intestat est celle dont les biens sont attribués aux héritiers selon les règles fixées par le législateur lorsque le défunt n’a pas laissé de testament ou, lorsqu’ayant rédigé un testament, celui-ci est nul ou caduque.
La nullité, même si elle est manifeste, doit cependant être portée devant la juridiction compétente pour être prononcée. En droit camerounais, il s’agit du Tribunal de Premier Degré ou du Tribunal de Grande Instance.
Dans le cas des successions ab intestat, encore appelée successions non testamentaires, les successibles sont désignés dans un ordre organisé par la loi. Le cas du conjoint survivant étant assez particulier.
A – L’ORDRE SUCCESSORAL
Les héritiers d’une personne décédée sont d’abord ses descendants, puis ses ascendants et enfin ses collatéraux.
1 – Les descendants
Ce qu’il faut retenir c’est qu’en l’absence d’un testament, les biens laissés par le De cujus reviennent prioritairement à sa descendance.
C’est-à-dire à ses enfants et petits-enfants. Et à propos d’enfant, contrairement à ce qui se passe dans certaines coutumes, tous les enfants, y compris les femmes mariées, ont légalement le droit d’hériter des biens de leur géniteur.
Même si la loi camerounaise continue de faire un distinguo entre les enfants légitimes et les enfants naturels.
En effet, l’article 489 de l’avant-projet du Code des personnes et de la famille indique que « les descendants, sans distinction de sexe, succède aux ascendants. Ils succèdent à part égale et par tête ».
De surcroît, la convention CEDEF ratifiée par l’Etat camerounais voudrait que les enfants qu’ils soient naturels ou légitimes disposent des mêmes droits au niveau du partage des biens laissés par leur père.
2 – La vocation successorale des ascendants
Les parents ont également le droit d’hériter de leurs enfants prédécédés. Mais ceci n’arrive que dans le cas où le défunt n’a pas lui-même laissé une descendance. Etant donné que la présence d’une descendance exclut toute autre personne de la succession.
Cela est valable même lorsque le défunt n’a laissé qu’un seul enfant. Celui-ci recueille la totalité de la masse successorale. Les ascendants n’entrent donc en scène qu’en l’absence d’une postérité. Dans cette hypothèse, les parents viennent en concours avec les frères et sœurs du De cujus.
Les ascendants n’obtiennent la pleine dévolution successorale que si le défunt n’a laissé ni postérité, ni frère, ni sœur, ni descendants des frères et sœurs. Alors, la succession se divise par moitié entre les ascendants de la ligne paternelle et ceux de la ligne maternelle.
Cette fente successorale s’opère également lorsqu’un seul parent est vivant, et qu’il existe des ascendants dans l’autre ligne. Il peut s’agir des grands-parents, des oncles et/ou des tantes.
Ils sont considérés comme des ascendants ordinaires, en comparaison aux parents directs appelés ascendants privilégiés. Cette distinction s’observe aussi lorsque les collatéraux viennent à la succession.
3 – Les collatéraux
Selon le Lexique des termes juridiques, par collatéral, il faut entendre le lien de parenté existant entre un individu et une ou plusieurs autres personnes descendant d’un auteur commun, mais ne descendant pas les uns des autres.
C’est notamment les frères et sœurs, les nièces et neveux. Nous venons d’indiquer que les parents ne recueillent la totalité des biens successoraux que lorsque le De cujus n’a pas laissé de collatéraux. Il en est de même pour ces derniers, qui n’accèdent à la pleine succession qu’en l’absence de descendant ou d’ascendant.
Et dans cette hypothèse, il convient de souligner le cas des collatéraux privilégiés que sont les frères et sœurs du défunt.
Aux termes des dispositions de l’article 750 du Code civil camerounais en cas de prédécès des parents d’une personne n’ayant laissé aucune postérité, ses frères, sœurs ou leurs descendants sont appelés à la succession, à l’exclusion des ascendants et des autres collatéraux.
Il s’ensuit que les frères et sœurs directs, en l’absence de descendants ou d’ascendant privilégié, excluent les grands-parents, et les collatéraux ordinaires que sont les oncles, les tantes et les cousins. Pour terminer, l’on ne peut s’empêcher de s’interroger sur les droits du conjoint survivant dans la succession du conjoint prédécédé.
B – LE CAS DU CONJOINT SURVIVANT
Parmi les successibles ci-dessus énoncés ne figure nulle part le conjoint survivant. C’est qu’en réalité, la place qu’il occupe dans l’ordre successoral est si éloignée qu’il est difficile dans le contexte camerounais de voir un conjoint survivant désigné comme héritier du De cujus.
En effet, celui-ci ne succède en pleine propriété que si le défunt ne laisse ni parents au degré successible, ni enfants naturels. Or, dans la société africaine en général et camerounaise en particulier il est quasiment impossible de manquer de parents audit degré.
Cette situation est constamment décriée par les défenseurs des droits de l’Homme et les organisations féministes.
Pourtant, selon certains spécialistes, à voir de près, la situation du conjoint survivant n’est pas aussi lamentable qu’on le pense. Il suffit de bien exploiter les dispositions légales en vigueur, que malheureusement beaucoup de justiciables ignorent.
En effet, au conjoint survivant, la loi accorde un droit d’usufruit qui est du quart de la masse successorale à partager.
Mais il faut également savoir qu’avant de déterminer cette masse, le conjoint survivant a le droit d’exiger la liquidation préalable de la communauté conjugale.
A ce propos, il y a lieu de noter que la quasi-totalité des mariages célébrés au Cameroun le sont sans établissement d’un contrat de mariage. Dès lors, presque tout le monde se marie sous le régime de la communauté légale, c’est-à-dire celle des meubles et acquêts.
Aussi, lorsqu’arrive le moment du partage de la succession, ladite communauté doit d’abord être liquidée, avant le partage proprement dit.
Et dans le cadre de cette liquidation, en l’absence de querelles afférentes à sa constitution, le conjoint survivant a généralement droit à la moitié de la communauté.
Ainsi, après avoir recueilli cette moitié, il fera valoir son droit d’usufruit qui est d’un quart de l’autre moitié revenant aux héritiers. Ceux-ci ne partageant en définitive que les trois quart de la moitié restante.
Au demeurant, un tour dans les prétoires permet de constater, pour le déplorer, que les successions au Cameroun sont dans certains cas le théâtre de batailles rangées entre les héritiers. Même si les successions testamentaires n’en sont pas épargnées, elles le sont cependant moins que les successions ab intestat.
On en déduit qu’il est préférable pour chaque personne de préparer sa dévolution successorale, en établissant un testament.
On aura ainsi contribué à la paix sociale en évitant à ses ayants-droit de longs et interminables conflits susceptibles de naître à l’occasion du partage des biens qu’on a passé sa vie à amasser, parfois sans même songer à en jouir soi-même.
Par le juriste Nicodème Ngoué
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