Le qualificatif de veuve s’attribue à l’épouse dont le conjoint est décédé. Les droits de la veuve dans la succession au Cameroun restent peu connus des veuves elles-mêmes.
Sur le plan juridique, pour qu’une femme soit considérée comme veuve, il faut qu’elle ait été préalablement unie à son époux par les liens du mariage. Et ledit mariage doit être validé tant sur la forme que sur le fond.
Le constat amer est que nombre de veuves sont victimes d’un certain nombre d’injustices après le décès. Car certaine femmes ne semblent pas reconnaître leurs droits dans la succession de leur défunt époux.
Elles sont parfois expulsées du domicile conjugal et les biens laissés par leur mari spoliés. Entre douleur, déchirure et humiliation, les veuves subissent à une autre cruauté pire que la disparition du mari.
Pourtant, les droits des veuves consacrent divers textes internationaux et nationaux et ces droits sont identifiables sur le plan pratique.
I -LA CONSECRATION TEXTUELLE DES DROITS DE LA VEUVE DANS LA SUCCESSION
Il existe un important dispositif législatif qui consacre les droits de la veuve.
Nous pouvons à cet effet mentionner le traité de MAPUTO, ratifié par le Cameroun. Ce traité n’exige plus à la femme le régime de la communauté des biens pour héritier de son mari.
C’est également le cas du protocole de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme ratifié par le Cameroun en 2009.
En son article 11 alinéa 1 et 2 s’agissant du droit de la succession, il énonce que: « la veuve a le droit à une part équitable dans l’héritage des biens de son conjoint. La veuve a le droit, quelque soit le régime matrimonial, de continuer d’habiter dans le domicile conjugal ».
En cas de remariage, elle conserve ce droit si le domicile lui appartient en propriété ou en héritage. Tout comme les hommes, les femmes ont le droit d’hériter des biens de leurs parents en parts équitables.
Au plan national, le code civil, section II intitulée les droits du conjoint survivant et l’Etat reconnaît le droit de la veuve à hériter de son mari. (Article 767).
L’ordonnance n°81-002 du 29 juin 1981 portant organisation de l’état civil et diverses dispositions relatives à l’état des personnes physiques se prononce.
« En cas de décès du mari, ses héritiers ne peuvent prétendre à aucun droit sur la personne, la liberté ou la part des biens de la veuve, qui sous réserve du délai de viduité de 180 jours à compter du décès de son mari, peut se remarier librement sans que quiconque puisse prétendre à aucune indemnité ou avantage matériel à titre de dot ou autrement, soit à l’occasion de fiançailles, soit lors du mariage postérieurement ».
De manière pratique, les droits de la veuve dans la succession sont identifiables grâce à l’important arsenal juridique qui les encadre.
II- IDENTIFICATION PRATIQUE DES DROITS DE LA VEUVE DANS LA SUCCESSION
Pour les veuves, la part du conjoint survivant se déterminera selon qu’on est d’une part en présence ou en l’absence des enfants. D’autre part en présence ou en l’absence des parents et des frères et sœurs du défunt.
Les dispositions législatives applicables sont les articles 750 et suivants du code civil. L’acte de mariage doit être en cours de validité. La femme divorcée n’a pas droit à la succession.
On distingue les biens communs acquis pendant le mariage (à titre onéreux) Les biens propres à chacun des époux (acquis par donation ou succession) après la liquidation de la communauté partagée. Le reste du patrimoine du défunt connait une répartition suivant les cas ci-après.
– En présence d’enfants
Le conjoint survivant reçoit au choix, soit la totalité du patrimoine en usufruit, soit le quart des biens en toute propriété.
Cette option prend effet dans les trois (03) mois suivant le décès, faute de quoi, il opte systématiquement pour l’usufruit.
Les héritiers et le conjoint survivant peuvent également transformer la rente viagère en capital versé au conjoint.
– En l’absence d’enfants
Si les parents du défunt sont encore vivants, le conjoint survivant recueillera la moitié des biens en toute propriété. L’autre moitié subira un partage à part égale entre le père et la mère. Si un seul parent est en vie, le conjoint survivant va recevoir les %.
En l’absence d’enfant et des parents du défunt, le conjoint survivant reçoit la totalité du patrimoine. Sauf les biens mobiliers et immobiliers acquis des parents par donation ou succession.
Si ces biens figurent encore dans le patrimoine du défunt, ses frères et sœurs (descendants) en recueilleront la moitié.
USUFRUIT ( le droit de se servir, d’utiliser un bien )
L’usufruit du conjoint survivant peut se transformer en rente viagère à la demande d’un des héritiers nu-propriétaire ou de l’usufruitier lui-même.
En cas de désaccord, on soumet le litige à l’appréciation du juge. L’usufruit sur le logement et le mobilier ne peut se transformer en rente viagère contre la volonté du conjoint survivant.
La femme est usufruitière dans tous les cas de figure parce que les biens ne se partagent pas du jour au lendemain.
Logement familial
Le conjoint survivant l’occupe comme résidence principale (logement appartenant aux époux). Ce logement et le mobilier lui reviennent gratuitement pendant un an.
S’agissant d’un avantage matrimonial, cette occupation n’est pas tributaire aux droits de succession.
Toutefois, pour un logement loué, les loyers lui sont remboursés par prélèvement sur là succession. Ce droit d’occupation temporaire s’applique également quand le logement familial possédé en indivision par le défunt et des tiers.
Dans ce cas, ces tiers ont le droit à une indemnité d’occupation prélevée sur la succession. Après un an, le conjoint survivant a un droit d’usage et d’habitation sur le logement familial. Il a le droit d’occuper son mobilier jusqu’à son décès.
Si le logement ne lui convient plus, il peut le donner en location. Il peut aussi y dégager des ressources nécessaires à de nouvelles conditions d’hébergement.
Le défunt peut par testament notarié, priver son conjoint de ce droit d’usage et d’habitation. Le conjoint survivant peut opter ou non pour le droit d’usage et d’habitation dans un délai d’un an après le décès.
Qu’il s’agisse des droits de la veuve dans la succession au Cameroun ou du droits des successions au Cameroun, il est important pour tout individu de les connaître et d’en jouir.
Nicodème NGOUE, Juriste